

USAID: régression de la solidarité mondiale
Quelques jours après son entrée en fonction, le nouveau gouvernement américain a jeté à terre l’agence américaine pour le développement international (USAID). Qu’est-ce que cela signifie pour le soutien des personnes vulnérables dans le monde?
L’administration Trump avait promis une chape de plomb et d’austérité sur la coopération publique au développement. On pouvait donc s’y attendre. Mais l’élimination, du jour au lendemain, de son agence d’aide publique au développement USAID, et l’arrêt de ses activités dans le monde entier est un choc. Pour l’instant, on ne peut qu’imaginer la portée de ce changement. Le tableau est bien sombre, comme le montre un coup d’œil sur quelques chiffres.
Selon l’OCDE, les États-Unis contribuent pour près d’un tiers à l’aide publique au développement (APD) dans le monde. Par le biais de l’APD, les gouvernements financent l’aide à l’étranger dans les domaines de la distribution de nourriture, de la sécurité alimentaire, de la santé, de l’agriculture biologique, de la promotion des revenus, de l’éducation, etc., pour les personnes dont l’existence est menacée et qui ont besoin d’aide. En 2022, les États-Unis y ont consacré environ 63,5 milliards de francs, pour un budget total de l’APD de 213 milliards de dollars. La décision de Trump a donc une énorme portée. D’ailleurs, les États-Unis, même s’ils sont le plus grand donateur, ne sont pas particulièrement généreux par rapport à leur performance économique: ils ne consacrent que 0,23 % de leur produit intérieur brut à la coopération internationale, une part nettement inférieure à celle de nombreux autres pays prospères (Suisse: 0,6 pour cent, Allemagne 0,82 pour cent, Norvège 1,09 pour cent).
Confusion et chaos
Depuis, les nouvelles alarmantes se bousculent: du jour au lendemain, de nombreux pays annoncent fermer des dispensaires ou mettre un terme à leur aide alimentaire. La plateforme d’information «The New Humanitarian» fait état de la confusion et du chaos qui frappe les partenaires des projets concernés. Pour l’heure, impossible d’évaluer le nombre de personnes qui seront privées d’une aide indispensable à leur survie avec cette fermeture de l’USAID. Sans compter que, facteur aggravant, le site web de l’USAID a été fermé, et ses activités ne sont plus documentées publiquement.
On sait d’ores et déjà que les grandes organisations multilatérales de développement, p.ex. l’Organisation mondiale de la santé, seront très durement touchées. De nombreuses organisations non gouvernementales qui mettent en œuvre des projets de développement et d’aide humanitaire pour le compte de l’USAID sont également concernées. Partout dans le monde, de nombreuses ONG, grandes et petites, mais aussi des organisations locales dans les pays où sont menés les projets, sont confrontées à d’énormes problèmes. Dans la précipitation, elles doivent cesser leurs activités et licencier des collaborateurs. Caritas Suisse ne reçoit pas d’argent directement de l’USAID. Mais certaines de nos organisations partenaires sont directement touchées par la suspension du financement de l’USAID.
D’autres pays réduisent également les fonds de la CI
Cette attaque frontale contre la coopération au développement ne vient pas seulement des États-Unis, elle suit une tendance mondiale. Le programme de nombreux partis de droite vise à délégitimer cette forme d’aide et de solidarité et toute responsabilité vis-à-vis des populations des pays pauvres. La tendance est devenue majoritaire dans de nombreux pays: avant même le démantèlement de l’USAID, beaucoup avaient considérablement réduit les fonds qu’ils allouaient à la coopération publique au développement. C’est le cas notamment des Pays-Bas, de la Suède, de l’Allemagne, de la France et également de la Suisse. En décembre 2024, le Parlement a en effet décidé de réduire de 151 millions de francs les fonds alloués à la coopération au développement pour les quatre prochaines années. Avec le nouveau paquet d’économies de la Confédération, la CI est encore plus sous pression.
La réduction d’un tiers des fonds publics mondiaux pour le développement est une expérience d’apprenti sorcier dans un monde où les inégalités flagrantes s’accroissent et où l’on va de crise en crise. On verra dans les mois à venir à combien se monte la facture de cette évolution.
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Photo de couverture: Distribution de nourriture aux personnes dans le besoin sur la place du marché de Mieso par l'organisation humanitaire américaine USAID. © Christoph Gödan