Preisträgerin Lea Hungerbühler setzt sich als Gründerin und Präsidentin des Vereins AsyLex für die Rechte von geflüchteten Menschen ein.
Preisträgerin Lea Hungerbühler setzt sich als Gründerin und Präsidentin des Vereins AsyLex für die Rechte von geflüchteten Menschen ein.

«Toute personne doit pouvoir demander protection sans risquer sa vie en route.»

Interview avec l’avocate Lea Hungerbühler, Prix Caritas 2022

Le Prix Caritas 2022 a été décerné vendredi à Lucerne à Lea Hungerbühler, fondatrice et présidente de l’association AsyLex. La lauréate s’engage pour les droits des personnes en fuite et, avec de nouvelles approches, elle aide les personnes en quête de protection à faire valoir leurs droits.

Quel esprit vous anime, vous et quelque 150 bénévoles qui s’engagent à AsyLex pour la défense des droits des personnes qui cherche une protection en Suisse?

Pour moi personnellement, et je suppose que c'est la même chose pour les autres membres de l'équipe, c'est le sens de la justice qui me motive. Malheureusement, le respect des droits de l'homme à l'égard des personnes qui ont fui leur pays ne va pas encore de soi. Il faut dans de nombreux cas se battre de toutes ses forces.

Que vous inspire la différence de traitement en Suisse entre réfugiés ukrainiens et les autres personnes en quête de protection, qui arrivent aussi de pays en guerre où leur vie est directement en danger?

L'application du statut S, avec tous les avantages qui en découlent, montre qu'il est possible de faire autrement: par exemple, travailler dès le début, être hébergé par des connaissances ou de la famille ou encore par des étrangers qui ouvrent leur porte aux personnes en fuite, avoir la possibilité de déménager ou de voyager à l'étranger pour des voyages scolaires, des visites à la famille, des voyages d'affaires ou même des vacances. Tout cela facilite l'intégration et l'installation en Suisse et je ne vois aucun motif raisonnable de ne pas appliquer ces principes à l'avenir à toutes les personnes en quête de protection.

Avec l’AsyLex Detention Project, vous avez constaté que les conditions légales de détention de personnes devant être expulsées n’étaient parfois pas remplies. Pouvez-vous préciser?

Le projet de détention a certainement mis en lumière de nombreux cas critiques et a mis le doigt sur un point sensible. Il est évident que dans les cas où aucune représentation juridique ne consulte jamais les dossiers, les erreurs sont plus nombreuses, car elles n'ont généralement pas de conséquences négatives pour les autorités. Il en va désormais autrement - dans les cas de détention administrative illégale, nous déposons également des plaintes en responsabilité de l'Etat, de sorte que la personne injustement détenue obtienne une indemnisation. Nous remarquons que la qualité des décisions de détention a augmenté de manière significative dans de nombreux cantons depuis le lancement de notre projet - même si certains offices des migrations ou tribunaux cantonaux ne connaissent (ou ne veulent pas connaître) encore aujourd'hui les différents types et procédures de détention administrative.

Vous dites qu’en Suisse, dans le domaine de l’asile, les voies de recours sont insuffisantes. Pourquoi?

Il n’existe malheureusement qu’une seule instance de recours dans le domaine de l’asile: le Tribunal administratif fédéral. Et cette jurisprudence ne correspond pas vraiment à notre conception du droit, du droit d’asile, du droit des réfugiés et de la protection des droits humains. Nous nous voyons donc souvent contraints de faire remonter les décisions négatives du Tribunal administratif fédéral aux différentes instances de l’ONU.  

Pour quelles raisons?

Les autorités et les tribunaux suisses se basent souvent sur les obligations théoriques qu'un autre pays a selon le droit international, par exemple les obligations découlant de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais on ne regarde pas au cas par cas ce qu'il en est de l'application des droits de l'homme dans la réalité, les autorités et les tribunaux ferment plutôt les yeux sur les conditions réelles sur place. Bien que la menace de se retrouver sans abri, d'être livré sans protection à la violence sexuelle ou autre, de subir des push-backs ou de manquer de soins médicaux soit évidente, des personnes vulnérables sont expulsées de force vers ces lieux par la police - ce qui est contraire au droit international.

Quelles sont vos priorités à AsyLex ces prochains mois? Comment voyez-vous l’avenir d’AsyLex?

Nous allons continuer sur notre lancée et nous nous opposerons systématiquement aux violations des droits de l'homme, tant au niveau national qu'international. Malheureusement, notre charge de travail va probablement augmenter à l'avenir en raison des mouvements d'exil actuels. Nous allons donc probablement continuer d’agrandir nos équipes et à garantir la plus haute qualité de notre travail bénévole grâce à notre programme de formation, l'AsyLex Academy. Face à la criminalisation croissante de la fuite, nous nous défendrons de plus en plus sur le plan juridique tout en nous engageant pour des voies de fuite légales, car toute personne menacée dans sa vie et son intégrité physique doit avoir la possibilité de chercher protection sans risquer sa vie en Méditerranée, en mer Égée ou sur d'autres routes de fuite dangereuses.

Le Prix Caritas est décerné chaque année à des personnes qui apportent une contribution exceptionnelle dans le domaine social, de la coopération au développement ou de la compréhension interculturelle et qui se distinguent par leurs grandes compétences professionnelles et humaines. Le montant du prix de 10'000 francs est versé à un projet de la lauréate.

Photo de couverture: La lauréate, Lea Hungerbühler, fondatrice et présidente de l’association AsyLex, s’engage pour les droits des personnes en fuite. © Priska Ketterer/Caritas Suisse