Renforcer la résilience de milliers de familles déplacées

Le Burkina Faso, un pays plongé dans une crise humanitaire aiguë et multidimensionnelle

Le Burkina Faso, l’un des pays les plus pauvres au monde, traverse de multiples crises complexes. La situation sécuritaire entraîne des déplacements massifs de population. Ainsi le 25 février, des attaques djihadistes dans une mosquée et une église ont fait une centaine de morts. Le risque d’instabilité s’accentue encore avec l’annonce des autorités, aux côtés de celles du Niger et du Mali, de leur volonté de quitter la CEDEAO. Dans ce contexte très difficile, Caritas Suisse apporte une aide vitale aux familles déplacées. 

Asseta Korogo, 33 ans, n’a pas eu le choix. Elle a dû quitter son village de Dablo, au nord du Burkina Faso, avec son mari et ses six enfants. Les attaques terroristes se multipliaient et les autorités ne parvenaient pas à les empêcher. Les habitants ont été sommés de partir. Ils ont dès lors perdu leurs terres, mais aussi tous leurs biens, leur bétail, leur argent, leur maison.

Asseta Korogo s’est retrouvée sans ressources à Tiwêga, un village situé à 93 kilomètres plus au sud, près de Kaya. Depuis 2019, cette ville de 40'000 habitants, connaît un afflux massif de personnes déplacées. Cette crise sécuritaire accentue encore l’instabilité économique, la faiblesse des infrastructures et les effets de la crise climatique dont souffrent toute la région et l’ensemble du Burkina Faso.

Fin 2023, l’ONU comptait 2,6 millions de personnes déplacées dans ce pays du Sahel qui comprend un peu plus de 22 millions d’habitants. Quelque 4,7 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. Un enfant sur dix souffre de malnutrition aiguë et 900'000 enfants sont affectés par la fermeture de plus de 5'700 écoles, soit 22% des écoles du pays, principalement pour des raisons sécuritaires. Pour les personnes déplacées comme Asseta Korogo, les perspectives d’un retour immédiat dans leur région d’origine sont très faibles. La pression engendrée par ces déplacements de population affecte par ailleurs également les communautés hôtes.

Autonomie à long terme des familles déplacées

Face à une telle situation, il faut combiner une réponse rapide d’aide d’urgence et des solutions durables afin de renforcer la résilience des populations. C’est ce que fait Caritas Suisse en aidant les personnes déplacées internes et les plus vulnérables parmi les communautés hôtes. L’année dernière, elle a ainsi apporté une aide alimentaire à 4'500 ménages, en leur fournissant des kits de riz, de haricots et d’huile. Dans le même temps, Caritas réalise un projet à long terme qui bénéficie à 3'000 familles, dont celle d’Asseta Korogo, dans la région du Centre-Nord.

Caritas aide ces familles à se constituer une source de revenus durable et assure ainsi l’alimentation de 21'000 personnes. Le projet passe tout d’abord par la formation de 20 coaches qui vont accompagner dans leur projet professionnel les personnes déplacées. Celles-ci reçoivent des formations sur la gestion d’entreprise et l’établissement d’un plan d’affaires. Une vingtaine de groupes d’épargne sont constitués qui allouent des prêts à leurs membres pour leur permettre d’investir dans leur petite entreprise et un capital de départ est mis à disposition de 1'000 entreprises. Le projet comprend aussi une composante importante axée sur la paix et la cohésion sociale, qui est intégrée tout au long du processus. Il s’agit de favoriser la cohabitation pacifique des différentes communautés.

Asseta Korogo s’est lancée dans ce projet en partant de sa propre expérience. Dans son village natal, elle produisait du koura-koura, des galettes d’arachide très prisées au Burkina Faso. La jeune femme et son coach sont donc partis de cette idée et ont cherché deux partenaires commerciaux. Le groupe de trois personnes a ensuite élaboré son plan d’affaires et a lancé sa production. Avec succès. Cette petite entreprise a changé la vie de la famille d'Asseta Korogo. Les affaires marchent très bien. Les besoins de base de la famille sont assurés et les enfants peuvent retourner à l’école.

«Le pessimisme n’a pas sa place ici»

L’histoire d’Asseta Korogo montre à quel point il est important de renforcer la résilience des familles. Car la fragilité du pays et de toute la région est extrêmement élevée. Ainsi la junte militaire au pouvoir depuis le coup d’État de 2022, ainsi que les autorités du Niger et du Mali ont annoncé dernièrement vouloir quitter la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Il ne s’agit pour l’heure que d’une annonce et les textes de la CEDEAO prévoient un préavis de douze mois pour que la sortie puisse être définitive. Toutefois, cette décision, si elle était réalisée, pourrait entraîner des conséquences majeures pour les habitants de cet espace qui garantit la libre circulation des personnes et des biens, tant au niveau économique que politique. En outre, elle compromettrait encore davantage la sécurité régionale, la CEDEAO étant impliquée dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent dans la région.

«L’avenir du Sahel et de ses habitants s’annonce sans aucun doute difficile, voire sombre, pour de nombreuses années à venir.»Fabrizio de Georgio Ferrari Trecateresponsable du bureau de Caritas Suisse au Burkina Faso

Notre collaborateur choisit pourtant de garder espoir: «Après toutes ces années dans ce contexte, à soutenir des personnes fragiles qui gardent un optimisme inébranlable, je ne peux m’empêcher de croire en un avenir meilleur pour cette région du monde qui, même dans sa souffrance, demeure une source d’inspiration pour l’humanité tout entière. Le pessimisme n’est tout simplement pas une option pour moi, il n’a pas sa place ici.»

Écrit par Vérène Morisod, Communication Suisse romande, Caritas Suisse

Demandes d’interviews et informations complémentaires: medias@caritas.ch

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Photo de couverture: © Souleymane Drabo