Le Parlement économise sur le dos des plus pauvres
Après plusieurs mois de débats houleux, le Parlement a pris la décision d’augmenter les dépenses pour l’armée en grande partie au détriment des personnes les plus pauvres des pays du Sud. Le Parlement réduit ainsi le cadre financier de la coopération internationale (CI) pour les années 2025-28 et supprime une partie des fonds de la CI dans le budget 2025. Au vu des crises qui se multiplient dans le monde, Caritas Suisse est préoccupée par cette décision.
L’année 2024 a connu une succession de crises humanitaires majeures qui ont profondément ému Caritas Suisse et d’autres organisations d’aide: la guerre d’Israël contre la population civile de Gaza, l’intensification de la guerre civile et de la famine au Soudan, la violence des gangs en Haïti, l’escalade de la guerre au Liban, et enfin les événements qui se précipitent en Syrie. Les foyers de crise dans le monde se sont encore étendus. Outre ces catastrophes, le nombre de personnes touchées par la pauvreté dans le monde n’a pas diminué et les besoins en matière de coopération au développement à long terme restent donc très élevés.
Dépenses pour l’armée, pression sur les économies
Étrangement imperméable à ces crises qui se multiplient, la politique suisse a discuté du montant que le pays devrait consacrer à la coopération internationale (CI) ces prochaines années. Le crédit-cadre pour la CI se compose de contributions pour l’aide humanitaire, la promotion de la paix, la coopération économique et la coopération bilatérale au développement. La décision d’augmenter massivement les dépenses pour l’armée a fait augmenter la pression pour faire des économies dans le domaine de la CI.
La situation de départ était déjà peu réjouissante: en mai déjà, dans le crédit-cadre de la stratégie de coopération internationale 2025-28, le Conseil fédéral avait dit ne pas vouloir engager des fonds supplémentaires pour l’aide humanitaire et la reconstruction en Ukraine. Concrètement, les 1,5 milliard de francs que la Suisse consacrera à l’aide à l’Ukraine ces prochaines années seront octroyés au détriment de projets de développement dans les pays les plus pauvres du monde, par exemple en Afrique subsaharienne.
Depuis l’été, le Conseil national, le Conseil des États et plusieurs de leurs commissions ont débattu du cadre financier de la stratégie de CI. Alors que ce cadre financier prévoit un plafond de coûts pour les quatre ans à venir, le Parlement a également dû se prononcer en même temps sur le budget de l’année prochaine. Là aussi, la CI était mise sous pression. Dans les médias, des économistes du développement de renom, mais aussi d’anciens politiciens du camp bourgeois, ont affirmé leur soutien à une coopération au développement bien charpentée. Une large alliance d’organisations actives dans le domaine du développement, dont Caritas, a lancé une «alarme solidarité». En été, il était encore question de coupes massives de 2 milliards de francs dans le crédit-cadre de la CI, puis les demandes de coupes ont été revues à la baisse.
Économies surtout dans la coopération au développement
La décision finale a été prise au dernier moment, à la fin de la session d’hiver. Le Parlement s’est mis d’accord pour économiser 151 millions de francs répartis sur quatre ans dans le crédit-cadre pour la stratégie de CI. Ce montant est à la charge de la coopération au développement; ces économies touchent donc les projets à long terme de réduction de la pauvreté. En outre, le Parlement a décidé de supprimer déjà 110 millions de francs dans le budget 2025 de la CI. De ce montant, 55 millions de francs seront économisés sur le dos de la coopération au développement, 30 millions de francs sur celui des organisations multilatérales et 25 millions de francs sur celui de la coopération économique au développement.
Même si ces coupes sont finalement moins importantes que celles annoncées cet été, elles auront des conséquences négatives concrètes sur les personnes touchées par la pauvreté dans les pays du Sud. Il va falloir réduire, voire supprimer les projets visant à les soutenir. Jusqu’à présent, la Suisse était perçue comme un partenaire fiable dans de nombreuses régions du monde; cette décision ouvre une brèche dans cette réputation.
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Photo de couverture: Village de Kabucan, Ouganda 2021 © Fabian Biasio