Les consultations sociales de Caritas ou celles de conseils pour le désendettement constatent que de plus en plus de personnes peinent à payer ou ne peuvent plus payer leurs primes pour l’assurance maladie.
Les consultations sociales de Caritas ou celles de conseils pour le désendettement constatent que de plus en plus de personnes peinent à payer ou ne peuvent plus payer leurs primes pour l’assurance maladie.

«Les personnes apprécient que nous les écoutions»

Les Suisses vont payer 4,4% de plus pour leur assurance maladie en 2026. Beaucoup ne savent plus comment faire.

Les permanences sociales des Caritas régionales connaissent une très forte augmentation des demandes d’aide et de conseils. Le coût de l’assurance maladie, qui a augmenté de plus de 25% en quatre ans, figure parmi les premières causes de détresse financière et d’endettement. Les explications de Séverine Ummel Débieux, responsable Action sociale à Caritas Neuchâtel.

Vous parvenez à répondre à toutes les demandes d’information ou d’aide?

Nous avons vraiment beaucoup de sollicitations dans le cadre de notre permanence. Le premier contact sert à orienter, renseigner et/ou plus spécifiquement convenir d'une suite. Le cas échéant, après étude de la situation, grâce aux documents que les personnes nous transmettent, une stratégie est élaborée avec la personne et cela nécessite sa collaboration et son engagement. Nous faisons au mieux pour répondre avec les moyens humains limités qui sont les nôtres. Depuis 2022, nous avons une augmentation des permanences de plus de 84 % (334 en 2022, 492 en 2023, 616 en 2024). Nous anticipons des chiffres comparables en 2025, soit plus de 600 permanences.

Dans votre permanence de consultation sociale, est-ce qu’on vient vous voir souvent pour des difficultés à payer les primes des caisses maladie?

Oui, bien sûr. De plus en plus de gens nous consultent pour des retards ou des dettes vis-à-vis de l'assurance maladie. Nous rencontrons plusieurs cas de figure : des personnes qu'il faut conseiller et encourager pour qu'elles demandent les subsides. Ce qui les poussent à les demander, c'est souvent le fait que sans activation des droits, nous n'intervenons pas pour un soutien, un travail de fond.

«Clairement, la prime maladie est un facteur d'appauvrissement qui nous inquiète beaucoup et contre lequel nous nous sentons plutôt impuissants sur le terrain.»sÉVERINE uMMEL dÉBIEUXRESPONSABLE ACTION SOCIALE À CARITAS nEUCHÂTEL

Il y a aussi des personnes qui ont une franchise basse et qui ont de la peine à payer leurs primes élevées. Ou au contraire, celles qui ont des primes basses mais une franchise élevée au moment où elles rencontrent un problème de santé. Elles sont alors en grande difficulté pour faire face à leurs dépenses. Clairement, la prime maladie est un facteur d'appauvrissement qui nous inquiète beaucoup et contre lequel nous nous sentons plutôt impuissants sur le terrain.

Et alors que se passe-t-il concrètement ?

Des personnes peuvent être captives d'une assurance maladie avec une prime élevée à cause de dettes. D’autres personnes auraient besoins d’urgence de soins dentaires (malheureusement non-inclus dans la LAMAL) mais ne peuvent tout simplement pas aller chez le dentiste faute de pouvoir payer.

Les gens renoncent à aller chez le médecin et accumulent le stress que causent les difficultés financières. Leur santé s’en ressent, par le manque de sommeil ou d'autres maux et ils pratiquent souvent une automédication. Nous entendons souvent que les personnes ont mal au dos ou vivent au quotidien avec une certaine angoisse qui ne les laissent pas se détendre une minute.

Nous voyons aussi des personnes qui consultent beaucoup pour des questions à priori bénignes. Nous ne jugeons pas ces comportements, parce que nous avons conscience que c’est une façon de se rassurer, auprès du médecin.

Il ne faut pas oublier aussi la pénurie de médecins. En trouver un peut constituer une épreuve qui vient s'ajouter à tout ce que les personnes avec une situation financière très précaire doivent gérer tant bien que mal.

Ces personnes viennent aussi en «consultation» chez vous. Que pouvez-vous faire pour elles ?

 Aujourd'hui, en observant les interactions que nous avons avec les personnes qui nous sollicitent, nous remarquons que c'est un bien précieux de pouvoir parler à quelqu'un qui prend le temps d'écouter. Nous posons aussi des questions pour tenter de cerner les choses et pour proposer les premiers pas vers l'établissement d'une stratégie de stabilisation. Les personnes ont souvent honte, se sentent jugées et ont elles-mêmes peur de nous poser des questions ou de demander un coup de main.

Il n’y a pas que les primes maladies impayées qui peuvent entraîner l’endettement, voire le surendettement.

Oui, il reste encore beaucoup de travail à faire pour que tout le monde comprenne que la spirale des dettes ne peut se résumer à la responsabilité de l'individu. En Suisse, il faut beaucoup d'argent pour pouvoir faire face à toutes les charges et au moindre imprévu. Sans réserve, c'est très difficile d'éviter de trébucher et de garder un équilibre qui ne mette pas le reste de l'écosystème de la personne en péril. Une saisie peut avoir de graves répercussions sur l'emploi, par exemple. Le système est conçu pour défendre les créanciers et il faut avoir accès à de bonnes ressources cognitives pour pouvoir s'y retrouver et agir. Or, quand on est taraudé par des difficultés financières, il est bien plus difficile de penser clairement et de garder la tête froide. Le travail de prévention et de soutien reste toujours pertinent pour éviter que les personnes ne perdent complètement pied.

Propos recueillis par Fabrice Boulé, responsable de la communication pour la Suisse romande

Nous organisons volontiers des interviews et répondons aux demandes des médias à l’adresse medias@caritas.ch

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Photo de couverture: Les consultations sociales de Caritas ou celles de conseils pour le désendettement constatent que de plus en plus de personnes peinent à payer ou ne peuvent plus payer leurs primes pour l’assurance maladie. © Thomas Plain