

«Le pire moment depuis le début de la guerre»
Les discussions sur un éventuel cessez-le-feu dans la bande de Gaza n’ont abouti à rien. Les bombardements se poursuivent sans relâche. Sarah Buss, responsable de l'aide d'urgence chez Caritas Suisse, sait comment les habitants de cette bande côtière vivent, ou plutôt survivent, dans ces conditions.
Sarah Buss, quelle est la situation humanitaire dans la bande de Gaza?
Nous avons longtemps parlé d'une «catastrophe humanitaire imminente». Maintenant, c’est évident: c’est le pire moment depuis le début de la guerre. Une famine de masse se propage dans la bande de Gaza. La population souffre de la faim car les aides humanitaires ne peuvent pas arriver dans la région. De plus, seuls 5% au maximum des anciennes surfaces agricoles peuvent encore être exploitées.
Les enfants fouillent les décharges à la recherche de restes de nourriture, de plus en plus de femmes n'ont pas de lait pour allaiter leurs bébés. Dans les centres médicaux de nos partenaires, nous constatons de plus en plus de signes de malnutrition. Nous avons malheureusement dû évacuer l'un de ces établissements ces derniers jours en raison de la nouvelle offensive terrestre à Deir al-Balah. C'est depuis ce centre que nous venions justement d'apporter des soins médicaux à la population au sud de la bande côtière.
Que faut-il faire maintenant?
Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et que l’aide humanitaire puisse être acheminée sans entrave. La pénurie massive de nourriture et d'eau potable engendre des conflits, dans une société où la solidarité était autrefois une grande force et où les gens s'entraidaient. Ces tensions internes croissantes constituent un risque pour la sécurité et s’ajoutent aux actes de guerre.
Cela signifie qu’il est urgent d'acheminer de grandes quantités de denrées alimentaires, de médicaments et de carburant dans la bande de Gaza, afin que la confiance soit restaurée, car les gens sauront qu’il y a suffisamment de ressources pour tout le monde. Les structures de distribution éprouvées pourraient être remises en place rapidement. Je dis «pourraient», car le gouvernement israélien l'empêche pour le moment.
Comment Caritas soutient la population de Gaza actuellement?
La situation exige sans cesse des adaptations aux circonstances actuelles, car les marchandises destinées à nos organisations partenaires dans la bande de Gaza sont également touchées par les blocus. Un exemple est un projet cofinancé avec la Chaîne du Bonheur: au lieu de distribuer du matériel hygiénique, nous distribuons désormais des sommes d'argent, principalement aux ménages dirigés par des femmes, aux personnes handicapées ou atteintes de maladies chroniques.
Cela permet aux gens d'acheter ce dont ils ont le plus besoin et ce qu'ils trouvent. Souvent, l'argent est utilisé pour des services tels que les transports, la santé, les communications ou le loyer.
Où les gens trouvent-ils un toit alors que, selon les Nations Unies, environ 90% des bâtiments résidentiels ont été entièrement ou partiellement détruits?
Les loyers ont atteint des sommets astronomiques. Souvent, plusieurs familles vivent ensemble dans des logements très exigus. Beaucoup n’ont pas d'autre choix que de vivre dans les ruines ou sous des tentes. Si l'armée israélienne ordonne une évacuation, ils doivent quitter la zone dans les plus brefs délais.
Mais il n'y a pas assez d’espace disponible et il est dangereux de se déplacer d'un endroit à l'autre. Plus des trois quarts de la bande de Gaza sont une zone d'évacuation temporaire ou une zone militaire bouclée. Et il n'y a aucun moyen de s'échapper, les frontières étant hermétiquement fermées.
Il y a quelques semaines, l’église de la Sainte Famille a été bombardée. Caritas Jérusalem y menait plusieurs projets. En savez-vous plus?
Oui. Des centaines de personnes avaient trouvé refuge autour de l'église. Puis, un ordre d'évacuation a été donné pour le quartier où se trouve la Sainte Famille. Les gens ont dû prendre une décision extrêmement difficile: rester ou partir. Les deux options présentaient un danger pour leur vie. La plupart sont restés parce qu'ils ne savaient pas où aller. Malheureusement, le 17 juillet, l'église a été touchée par un obus. Trois personnes ont perdu la vie, et de nombreuses autres ont été blessées. Cette attaque constitue une nouvelle violation flagrante du droit international humanitaire.
La situation humanitaire de la population dans la bande de Gaza continue de se détériorer. Comment l’améliorer?
La première mesure à prendre doit être l'ouverture des couloirs humanitaires et l'acheminement de l'aide humanitaire nécessaire vers la bande de Gaza. Celle-ci devrait être distribuée là où se trouvent les personnes, sans les mettre en danger. Parallèlement, les otages israéliens doivent être libérés.
Et puis, il faut un processus de paix qui aille au-delà de la reconstruction de la bande de Gaza. La population palestinienne est traumatisée. La population israélienne aussi. Cette guerre doit enfin prendre fin pour que le processus de guérison puisse commencer. C'est une condition préalable à la paix dans cette région.
Rédigé par Livia Leykauf, porte-parole, Caritas Suisse Nous organisons volontiers des interviews et répondons aux demandes des médias:

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Photo de couverture: Les conditions de vie dans la bande de Gaza sont catastrophiques. © Collaborateurs sur place