«Je vois de très belles rencontres entre les familles d’accueil et celles d’Ukraine»

5 questions à Pauline Savelieff sur le suivi des familles d’accueil des personnes réfugiées d’Ukraine

Pauline Savelieff, de Caritas Genève*, accompagne les familles d’accueil qui hébergent des personnes réfugiées d’Ukraine dans le canton de Genève. «Ce sont de belles rencontres. Il se passe quelque chose de fort entre les familles d’accueil et les réfugiés d’Ukraine», relève-t-elle. Travailleuse sociale, elle soutient ces familles qui ont ouvert leurs portes avec beaucoup de générosité et répond aux nombreuses questions que se posent les uns et les autres. 

Pauline Savelieff, en quoi consiste votre travail ?

Ma tâche consiste à soutenir les familles d’accueil qui, dans le canton de Genève, ont proposé un logement pour héberger des personnes qui ont fui la guerre en Ukraine. J’effectue des visites dans ces familles pour répondre à leurs questions et clarifier leurs attentes, mais aussi pour répondre aux interrogations des personnes réfugiées.

Sur quoi portent principalement les questions des uns et des autres ?

Les questions concernant les démarches administratives sont nombreuses. Les familles d’accueil effectuent d’ailleurs un énorme travail et prennent en charge une part importante des frais liés à la nourriture et aux produits d’hygiène, du moins au départ. Elles doivent recevoir pour cela une indemnité forfaitaire de 250 francs par mois du canton. Par la suite, une fois que l’aide sociale est en place, les familles réfugiées ont plus d’autonomie financière.

J’explique également aux familles réfugiées que les frais médicaux sont pris en charge, qu’elles peuvent prendre rendez-vous pour des soucis d’ordre physique ou psychologique si des difficultés survenaient après ce qu’elles ont vécu. Il faut parfois déconstruire certaines idées et lever des réticences, à l’égard des soins psychologiques notamment. D’autres questions concernent les cours de français, l’école pour les enfants, etc.

Il s’agit de composer avec les attentes des uns et des autres…

Oui, et un contrat de cohabitation permet de clarifier les choses. Ce contrat définit la durée de l’accueil, ce qui est mis à la disposition des réfugiés. Nous profitons également d’échanger verbalement sur les attentes des uns et des autres concernant les horaires des repas, le tournus de qui cuisine, etc. Nous cherchons à clarifier si les réfugiés peuvent ranger leurs affaires, leur nourriture. Il s’agit de réguler les questions du vivre ensemble. 

Nous vérifions par ailleurs que le logement soit adéquat et conforme aux attentes minimales, concernant l’accès aux sanitaires et le nombre de pièces par exemple. Nous exigeons également que les membres du foyer n’aient pas de casier judiciaire. Il s’agit de prévenir les abus. Nous donnons d’ailleurs un flyer aux personnes réfugiées lors de nos visites, avec un numéro de téléphone gratuit si des problèmes de traite par exemple devaient survenir.

Quelles sont vos constatations après ces premières semaines ?

Je vois que les familles d’accueil sont très engagées, très soutenantes. Les conditions de logement qu’elles offrent sont particulièrement bonnes la plupart du temps. Elles se disent souvent épatées par les capacités de résilience et d’adaptation des réfugiés qu’elles accueillent. Ces personnes sont en effet généralement rapidement autonomes. Il faut dire que la plupart d’entre elles disposent d’un niveau de formation élevé. Elles étaient en Ukraine ingénieures, avocates, enseignantes, parfois cheffes d’entreprise. 

Je dirais que tout se passe bien dans 90% des cas. Des difficultés peuvent bien sûr survenir et nous sommes là aussi dans ces moins bons moments. Il y a naturellement la barrière de la langue qui peut engendrer des malentendus. Les attentes sont parfois différentes de part et d’autre. Par exemple, certaines personnes réfugiées ont besoin de tranquillité, de repos. D’autres au contraire ont absolument besoin de faire quelque chose. Un travail de médiation peut parfois suffire pour effectuer une mise à plat des difficultés, clarifier les besoins et demandes respectives, puis trouver un consensus. En cas de problème plus important, nous pouvons replacer les réfugiés, tant que d’autres familles d’accueil sont encore disponibles. Les réfugiés dont les situations particulières seraient trop lourdes à gérer pour une famille d’accueil sont toutefois installés en logement collectif.

Et comment vivez-vous personnellement cette expérience, quel est votre ressenti ?

Je suis émerveillée d’observer ces rencontres. Il se passe souvent quelque chose de fort entre les familles d’accueil et les personnes réfugiées. Je suis touchée par la solidarité dont font preuve les familles d’accueil. 

J’observe généralement que les personnes réfugiées sont dans la maîtrise d’elles-mêmes et laissent peu transparaître leurs émotions. Il arrive toutefois qu’un lien de confiance fort se soit déjà créé avec leurs hôtes. Je vois dans ce cas des personnes réfugiées qui se permettent d’évoquer leur souffrance, leur deuil et lâchent alors une part de leurs émotions. Si l’empathie des familles d’accueil est véritablement précieuse, elles ne sont toutefois pas formées à l’accompagnement de troubles post traumatiques. Il est donc particulièrement important qu’elles soient également informées des relais sanitaires qui peuvent prendre en charge ces aspects.

* Dès le mois de mars, Caritas Genève a reçu le mandat du canton pour l’accompagnement des familles d’accueil et des personnes réfugiées d’Ukraine qui logent dans ces familles. Il en va de même dans le canton de Zoug, de Glaris et d’Argovie. Un autre canton romand et deux autres alémaniques pourraient également bientôt confier ce mandat au réseau Caritas.

Écrit par Vérène Morisod

Photo de couverture: © Philipp Spalek/Caritas Deutschland